Au cœur de la Méditerranée, Alger, surnommée « El-Mahroussa » (la Bien-Gardée), porte depuis le 16ᵉ siècle une légende née d’un miracle historique. En octobre 1541, l’empereur Charles Quint, souverain du Saint-Empire romain germanique et roi d’Espagne, subit une déroute retentissante face à une Algérie pourtant en infériorité numérique. Retour sur un tournant épique où stratégie, courage et fureur des éléments forgèrent une identité nationale.
Profitant de l’absence du légendaire amiral Kheireddine Barberousse, alors en mission en Méditerranée, Charles Quint lance une expédition d’une ampleur inédite. Sa flotte, composée de 516 navires (dont les plus imposants vaisseaux d’Espagne, d’Italie, de Malte et d’Allemagne), transporte 36 000 hommes, dont 23 000 soldats aguerris, accompagnés de dignitaires, de serviteurs et même de dames de la cour. Objectif : anéantir Alger et assoir la domination espagnole en Méditerranée. Cette campagne, présentée comme une croisade chrétienne, devait être une victoire éclatante. Mais l’histoire en décidera autrement.
Face à cette armada, la ville ne compte que 2 000 combattants arabes et 600 janissaires turcs , menés par Hassan Pacha, fils de Barberousse. Malgré la disproportion des forces, les Algériens refusent la capitulation. Le premier assaut est repoussé grâce à des fortifications solides et une défense acharnée.
Charles Quint, impatient, ordonne alors un débarquement à l’est de la ville, près de l’oued El-Harrach (actuelle Mohammadia). Confiants, les Espagnols célèbrent prématurément leur victoire : des tonneaux de vin sont descendus des navires, et les soldats, ivres d’arrogance, négligent toute vigilance. Alerté des festivités ennemies, Hassan Pacha orchestre une audacieuse contre-attaque nocturne. Alors que ses troupes empruntent un sentier montagneux pour surprendre l’ennemi, une violente tempête éclate soudainement. Pluies torrentielles, vents furieux et obscurité totale paralysent le camp espagnol. Sous couvert du chaos, les Algériens fondent sur l’adversaire, massacrant 3 000 croisés en quelques heures. La tempête, perçue comme une faveur divine, elle masque le bruit des mouvements algériens, désorganise les lignes ennemies et détruit une partie de la flotte ancrée, privant Charles Quint de retraite rapide. Pire encore : des soldats algériens, s’infiltrent jusqu’au navire amiral. La garde suisse de l’empereur doit intervenir in extremis pour le sauver.
Humilié, Charles Quint jette sa couronne à la mer, déclarant : « Un roi incapable de protéger ses soldats ne mérite pas cet ornement. » La défaite est cinglante pour l’Empire : 150 navires coulés, 10 000 hommes perdus (noyés, tués ou capturés), et une retraite précipitée vers l’Espagne. En signe de deuil, les monarques espagnols renoncent dès lors à porter la couronne lors des cérémonies.
En Algérie, cet événement devient un récit fondateur. Le slogan « El-Djazair Mahroussa bi-‘awn Allah » (Alger la Bien-Gardée par la Grâce de Dieu) , s’affiche partout : mosquées, échoppes, maisons…Aujourd’hui, « El-Mahroussa » reste un emblème de résistance et de fierté. Riad






























