Alors que Benjamin Netanyahou annonce une prise de contrôle militaire total de la bande de Gaza, le Maghreb se fracture dans ses réactions, révélant un fossé entre les aspirations populaires et les impératifs diplomatiques.
Face à une offensive de l’entité israélienne qualifiée de « génocidaire » , l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Libye adoptent des postures divergentes, oscillant entre condamnations fermes, silences stratégiques et divisions internes. Cette crise, qui ravive la cause palestinienne, met en lumière les tensions inhérentes à une région tiraillée entre histoire, alliances et souveraineté.
L’Algérie s’impose comme le fer de lance de la contestation maghrébine. Alger déploie une rhétorique sans concession, dénonçant des « intentions génocidaires » dans les actions de Tsahal, et soutient activement les initiatives juridiques internationales visant à traduire Israël devant des tribunaux comme la Cour pénale internationale. Cette position, ancrée dans une tradition de soutien à la Palestine, trouve un écho retentissant dans la rue. Depuis octobre 2023, des manifestations monstres ont rassemblé des dizaines de milliers d’Algériens à Alger, Oran et Annaba, brandissant des drapeaux palestiniens et scandant des slogans contre l’occupation. Ce mouvement populaire, amplifié par une diaspora active, renforce la légitimité d’une diplomatie algérienne qui se pose en rempart contre les ingérences occidentales, notamment françaises.
La Tunisie emprunte un chemin similaire, multipliant les déclarations officielles de condamnation. Sous la présidence de Kaïs Saïed, le pays organise des rassemblements devant les ambassades française et américaine, dénonçant une « complaisance occidentale » face à Israël. Ces manifestations, souvent spontanées, illustrent une convergence rare entre le gouvernement et l’opinion publique, unie dans sa solidarité avec Gaza. À Tunis, Sfax et Sousse, les foules scandent des appels à la justice, tandis que des collectifs citoyens appellent à un boycott des produits liés aux soutiens d’Israël. Cette mobilisation, bien que parfois réprimée, témoigne d’une résilience populaire qui pousse les autorités à maintenir une ligne dure, malgré les pressions économiques.
Le Maroc, en revanche, navigue dans un dilemme géopolitique complexe depuis les accords d’Abraham de 2020, qui ont normalisé ses relations avec Israël. Mohammed VI, confronté à une dépendance croissante – le royaume est devenu le premier acheteur africain d’armes israéliennes –, hésite à condamner ouvertement Tel-Aviv. Cette prudence diplomatique, dictée par des intérêts stratégiques et un soutien américain sur la question du Sahara occidental, contraste avec une pression populaire massive. À Tanger, Casablanca, Rabat et Fès, des manifestations régulières réunissent des milliers de Marocains réclamant l’abandon de la normalisation et un appui clair à la Palestine.
La Libye, bien que divisée politiquement, tente de se positionner via l’initiative du « Soumoud Convoy », un convoi humanitaire nord-africain visant à briser le blocus de Gaza. Soutenu par le gouvernement de Tripoli, qui loue son « esprit fraternel », ce projet symbolise une solidarité régionale. Cependant, les autorités de l’est libyen, rivales de Tripoli, ont bloqué le convoi sous prétexte de contraintes logistiques, masquant des désaccords profonds sur la politique étrangère. Cette fracture, héritée de la guerre civile, illustre les limites d’une unité maghrébine face à la crise.
Cette division reflète des priorités divergentes : l’Algérie et la Tunisie misent sur une résistance populaire et diplomatique, tandis que le Maroc privilégie la stabilité avec Israël, au risque d’aliéner sa population. La Libye, elle, reste paralysée par ses luttes internes. Cette désunion, exploitée par des puissances comme les États-Unis et l’entité israélienne, compromet une réponse régionale cohérente.
Sans un front maghrébin uni, la cause palestinienne risque de rester un cri solitaire, tandis que les divisions locales servent les agendas étrangers dans un Proche-Orient en proie au chaos. Riad






























