À 92 ans, Paul Biya vient d’être réélu à la tête du Cameroun, un record de longévité qui force à la fois la stupeur et la résignation.
Plus de quarante-deux ans après son accession au pouvoir, en novembre 1982, le « Sphinx d’Etoudi » continue d’incarner un système où la continuité tient lieu de programme et où l’alternance est perçue comme une menace plus que comme une nécessité démocratique.
Dans un pays jeune, dont la moitié de la population a moins de vingt ans , cette réélection résonne comme un paradoxe. Le Cameroun, riche d’un potentiel humain et économique considérable, reste prisonnier d’une gouvernance figée, où les promesses de réforme s’évanouissent dans la routine autoritaire. Le vote, encadré par un appareil d’État totalement acquis au président, n’a suscité ni surprise ni véritable ferveur populaire.
Paul Biya règne depuis un demi-siècle sur un pays qu’il dirige davantage depuis les salons de Genève que depuis Yaoundé. Son pouvoir repose sur une administration verrouillée, un parti hégémonique — le RDPC — et un équilibre savamment entretenu entre fidélités régionales et calculs militaires.
Ce système, usé mais toujours efficace, n’a pas besoin d’adhésion : il vit de la peur du vide. L’opposition, fragmentée, épuisée et souvent muselée, n’a jamais réussi à incarner une alternative crédible.
La réélection de Paul Biya ne traduit pas la force d’un projet, mais la survie d’un régime. Elle symbolise la persistance d’un modèle de pouvoir africain hérité des indépendances : centralisé, personnalisé, et résolument hostile à la reddition des comptes. Le Cameroun, pourtant, n’échappe pas à la réalité du temps. L’économie vacille, les inégalités s’aggravent, et la jeunesse rêve d’exil plus que de réforme.
Cette nouvelle victoire d’un dirigeant politique interroge aussi la responsabilité collective du continent. Pourquoi la transition démocratique, pourtant engagée ailleurs, reste-t-elle inachevée au sud du Sahara ?
Le cas Biya révèle moins la force d’un homme que la faiblesse d’un système incapable d’assurer la relève. Et c’est là, peut-être, le vrai drame du Cameroun : un pays condamné à attendre que le temps, seul, fasse ce que la politique n’ose plus entreprendre. Riad






























