Lors de la Conférence annuelle des ambassadeurs français, Emmanuel Macron a affirmé : « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci », en évoquant l’intervention militaire française au Sahel. Ces propos, teintés de mépris, traduisent une incapacité chronique à reconnaître les torts de la France sur le continent africain. L’ironie est d’autant plus frappante qu’ils interviennent peu de temps après le retrait des forces françaises du Sahel, acte perçu comme une réponse tardive aux exigences souveraines des pays concernés.
Au Sénégal, terre marquée par des souvenirs tragiques comme le massacre de Thiaroye, la déclaration du président français a rapidement suscité l’indignation. Ousmane Sonko, Premier ministre sénégalais, a dénoncé une affirmation « totalement erronée », rappelant que les décisions concernant la souveraineté africaine émanent des peuples eux-mêmes, non d’une prétendue bienveillance française. Le Tchad, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a également fustigé une « attitude méprisante », pointant le déni persistant de la France envers le rôle déterminant de l’Afrique dans son Histoire.
Le massacre de Thiaroye, où des tirailleurs sénégalais furent abattus par l’armée française en 1944 alors qu’ils réclamaient leurs soldes, symbolise cruellement cette ingratitude française. Ces soldats, qui avaient libéré la France du joug nazi, furent récompensés par la violence et le silence. À ce jour, aucune reconnaissance pleine et entière de cet épisode tragique n’a été formulée par Paris.
Cette mémoire douloureuse s’inscrit dans un contexte où la France, tout en revendiquant son rôle de stabilisateur en Afrique, refuse de reconnaître sa part de responsabilité dans le chaos actuel. L’intervention en Libye en 2011, ayant précipité l’effondrement de la région sahélienne, reste l’exemple le plus éclatant d’une politique où les intérêts stratégiques français ont primé sur la stabilité africaine.
La déclaration de M. Macron, selon laquelle « aucun dirigeant africain ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain sans l’intervention française », illustre une vision paternaliste dépassée. Ce propos occulte les luttes sanglantes pour l’indépendance, menées contre la volonté de Paris, et les décennies de résistance des nations africaines face à la domination française.
La réalité est que la souveraineté africaine a été conquise malgré la France, et non grâce à elle. Les dirigeants africains, tout comme leurs peuples, n’ont pas à exprimer de gratitude pour des interventions militaires souvent motivées par les intérêts économiques ou géopolitiques de Paris.
Le retrait des forces françaises du Sahel symbolise une rupture historique, non pas orchestrée par une stratégie française, mais imposée par la volonté des peuples africains de se réapproprier leur destin. L’ère de la « Françafrique » appartient désormais au passé, malgré les tentatives de Paris de maintenir un rôle central sur le continent.
Loin d’attendre des remerciements, la France devrait se pencher sur les blessures laissées par son passé colonial et admettre que ses interventions militaires n’ont jamais été désintéressées. Si gratitude il doit y avoir, elle est due aux peuples africains, pour leur résilience face à des décennies de domination et d’ingérence.
L’Histoire retiendra peut-être que sous Emmanuel Macron, l’Afrique a définitivement affirmé sa souveraineté face à une puissance qui tarde encore à comprendre que la véritable reconnaissance commence par des excuses. Riad