Le projet de loi sur le code de procédure pénale, actuellement en discussion au Parlement algérien, marque une évolution significative dans la lutte contre la criminalité financière et organisée. La commission des affaires juridiques a introduit des dispositions novatrices, notamment l’article 99 bis, qui permet au procureur de conclure un accord avec une personne morale pour ajourner les poursuites judiciaires. En échange, l’entité doit restituer les fonds, biens ou produits illicites transférés à l’étranger, et s’acquitter des sommes dues au Trésor public et aux parties lésées. Une mesure pragmatique, visant à récupérer rapidement les avoirs détournés tout en évitant des procès longs et coûteux.
L’objectif est clair : accélérer le règlement des affaires pénales impliquant des personnes morales, souvent au cœur de vastes réseaux de corruption, de fraude fiscale ou de blanchiment d’argent. Selon le rapport préliminaire, cette procédure garantit la récupération des fonds ou de leur équivalent, tout en préservant les droits de l’État et des victimes. Pour conclure un tel accord, la personne morale doit coopérer pleinement, et informer les autorités judiciaires. Cependant, cette option est exclue si l’entité a été créée à des fins frauduleuses ou si elle a un passé criminel avéré, un garde-fou essentiel pour éviter les abus.
Mais la réforme ne s’arrête pas là. La commission a également renforcé les outils de saisie et de confiscation des avoirs illicites. L’article 49 bis autorise le gel et la saisie des biens issus de crimes graves – stupéfiants, contrebande, trafic d’organes, corruption, terrorisme, ou encore évasion fiscale. Un nouvel article 49 bis 3 va plus loin, en élargissant la confiscation aux fonds transférés aux proches des condamnés, une mesure qui vise à démanteler les réseaux criminels jusque dans leurs ramifications familiales. Par ailleurs, le procureur général pourra désormais prendre des mesures conservatoires, comme le gel des opérations bancaires ou l’opposition aux virements, en coordination avec les autorités de lutte contre le blanchiment d’argent.
Un autre aspect notable concerne le maintien du système de jury pour les crimes graves, bien que modifié. Les affaires punies de 30 ans de prison, de réclusion à perpétuité ou de la peine de mort conserveront un jury, réduit de quatre à deux membres, sauf pour les crimes liés au terrorisme, à la drogue ou à la contrebande, qui seront jugés exclusivement par des magistrats professionnels. Cette distinction reflète la volonté de spécialisation face à des infractions complexes, mais elle pourrait aussi alimenter le débat sur la place des citoyens dans le processus judiciaire.
Cette réforme s’inscrit dans un contexte où l’Algérie cherche à renforcer son arsenal juridique pour contrer la criminalité financière, un fléau qui a coûté des milliards au Trésor public ces dernières décennies. En 2023, un rapport de la Cour des comptes estimait à plusieurs centaines de millions de dollars les fonds détournés à l’étranger par des entreprises impliquées dans des scandales de corruption. En privilégiant la récupération des avoirs sur des procès interminables, le législateur fait un pari audacieux : restaurer la confiance dans les institutions tout en renflouant les caisses de l’État.
Riad






























