Le silence des partis de gauche face aux dissolutions controversées d’associations comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI) continue de susciter des débats, trois ans après les premières mesures. L’affaire, relancée par des critiques récentes sur les réseaux sociaux, met en lumière une fracture au sein de la gauche française, accusée de complaisance face à une politique sécuritaire visant les musulmans.
Tout a commencé le 19 octobre 2020, trois jours après la décapitation de Samuel Paty, lorsque le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a accusé le CCIF d’être « manifestement impliqué » dans les circonstances ayant conduit au meurtre. Sans preuves concrètes, il a justifié la dissolution de l’association, décrétée le 2 décembre 2020, en qualifiant ses dirigeants de « propagateurs du séparatisme » et d’adeptes d’une vision où « l’islam est supérieur aux lois de la République ». Le Conseil d’État a validé cette décision le 24 septembre 2021, s’appuyant notamment sur des propos des dirigeants du CCIF critiquant une supposée hostilité française envers les musulmans. Une seconde dissolution, celle de la CRI le 20 octobre 2021, a suivi une logique similaire, prolongeant l’offensive sécuritaire initiée par l’exécutif.
Ce qui marque, c’est l’absence de réaction ferme de la gauche traditionnelle. Alors que des dissolutions d’associations d’autres horizons auraient suscité une levée de boucliers, les principaux partis socialistes et écologistes sont restés discrets. Plus troublant encore, des figures comme Éric Piolle, maire de Grenoble, ont soutenu l’exécutif. En 2020, il a justifié sa position en affirmant : « Nous avons un combat commun pour lutter contre les religions en politique », demandant au CCIF de rembourser des subventions municipales. Sur X, des militants de gauche dénoncent cette « dérive laïciste » qui, selon eux, aligne les progressistes sur une politique sécuritaire au détriment des minorités.
Cette polémique met en lumière une fracture idéologique. Si le gouvernement brandit le « régalien » pour légitimer sa répression, la gauche, divisée entre défense des libertés et peur de l’amalgame avec l’extrême droite, peine à trouver une voix unie. Avec une montée des actes islamophobes – 1 522 signalements en 2023 selon le CCIF avant sa dissolution – et un climat politique tendu avant les élections de 2027, ce silence pourrait coûter cher aux gauches, accusées de trahir leurs valeurs d’égalité et de justice.