Depuis le début du conflit à Gaza, une guerre rhétorique oppose l’Égypte et Israël, soulevant des interrogations sur la nature de ces tensions : s’agit-il d’une marche vers une confrontation militaire ou d’une stratégie de pression mutuelle liée à des enjeux politiques internes ?
Les déclarations israéliennes, jugées provocatrices, ont exacerbé les tensions en mettant en avant les capacités militaires égyptiennes. Selon des analystes, l’objectif serait de perturber les plans du Caire pour Gaza et de promouvoir une solution arabe alternative aux initiatives américaines, perçues comme favorisant un déplacement de la population palestinienne. Parallèlement, cette exagération des forces égyptiennes semble trouver un écho au Caire, où une campagne médiatique célèbre le rôle du président Abdel Fattah al-Sisi dans le dossier palestinien.
Les propos du chef d’état-major israélien Herzi Halevi, ont particulièrement retenu l’attention. Lors d’un discours à Holon devant des officiers diplômés, il a qualifié l’armée égyptienne de « menace sécuritaire pouvant basculer en un instant », soulignant son équipement moderne (avions, sous-marins, missiles, chars). « Ce n’est pas une priorité actuelle, mais nous devons en être conscients », a-t-il ajouté, dans un contexte où l’Égypte s’apprêtait à relancer les négociations entre Israël et le Hamas sur les échanges de prisonniers.
Le Caire n’a pas officiellement réagi à ces déclarations, un silence interprété comme une tactique pour éviter de détourner l’attention du cessez-le-feu à Gaza. Pour Ahmed Fouad Anwar, expert en affaires israéliennes, Israël chercherait à préparer l’opinion à une éventuelle attaque préventive contre l’Égypte, tout en compensant la perte de confiance interne causée par les échecs du 7 octobre (« Opération Déluge d’Al-Aqsa »).
La rhétorique israélienne coïncide avec une mise en scène de la puissance militaire égyptienne. Le 11 février, la chaîne Al Arabiya a relayé une vidéo présentée comme une « mobilisation » dans le Sinaï, en réalité issue d’un défilé policier datant de janvier. Les références répétées d’Israël au maintien de son contrôle sur le corridor de Philadelphie (zone frontalière entre Gaza et l’Égypte) alimentent les craintes d’une escalade. Pour Le Caire, ces déclarations visent à légitimer une présence israélienne prolongée dans la région, tout en évitant un règlement global du conflit.